Sunday 5 April 2009

La foi et l'intelligence

"Et le moindre moment d'un bonheur souhaité
Vaut mieux qu'une si froide et vaine éternité."

Pierre Corneille

Je ne sais pas d'où vient la citation de Corneille, que j'ai trouvée au hasard. Elle ne convient pas tout à fait à sujet de ce billet, mais elle illustre parfaitement mon attitude face à la foi et mon état d'incroyance. Je viens de lire la chronique de Pierre Foglia sur cet ancien étudiant de littérature qui étudie pour devenir prêtre. Ca m'a interpellé un peu, car cet étudiant a à peu près mon âge et, bien que son nom ne me dise rien, il se peut que je l'aie croisé durant mes années à Montréal. je me rappelle bien des admirateurs de Proust et Baudelaire, il y en avait des masses, mais aucun en particulier qui ait été religieux. On pratiquait plutôt le blasphème et l'incroyance, dans mes belles années. On le fait encore maintenant, j'imagine. Mais ce que Foglia dit sur l'ascèse enviable des prêtres, je me suis fait dire un truc semblable par un professeur de création littéraire, à propos de la solitude et l'ascétisme des moines, qui était semblable à l'état de l'écrivain. Enfin bref, je suis sûr que ce Jonathan Guibault fera un bon prêtre. Il me semble intelligent et pas seulement dévôt.

Cela dit, je me trompe en disant que son intelligence en fera un bon prêtre. C'est une qualité inutile dans la vocation. En effet, même s'il y a beaucoup de prêtres intelligents (cet homme et celui-là, notamment), ce n'est pas par intelligence que l'on devient prêtre: c'est par la foi, laquelle peut être fausse (et l'on sait qu'objectivement elle l'a été). Ce qui fait que la prêtrise est la seule profession qui n'exige pas de compétence pour être pratiquée, seulement un minimum de connaissance (et encore) et croire en une vision plus ou moins précise de Dieu. On peut être prêtre et même monter en grade et être un parfait imbécile, comme l'ont prouvé ces prêtres brésiliens qui ont excommunié une fillette violée et ses médecins. Jonathan Guibault a parfaitement raison: ils sont en contradiction avec le droit canon. Et pourtant, ils ont excommunié malgré cela, montrant non seulement une rigidité honteuse mais ignorance crasse de leurs propres dogmes. Avant eux, Mère Thérésa disait la même chose: la mort de la mère pour donner vie à un enfant est la plus belle preuve d'amour qui soit (en quoi un amour imposé peut se faire appeler amour, elle ne l'a jamais expliqué). J'ai été témoin d'ultra-catholicisme bête et ignorant par le passé: des vicaires et des prêtres catholiques qui refusent l'évolutionisme alors que l'Église reconnaît la théorie de l'Évolution depuis au moins Pie XII et que les récits de la Genèse n'étaient même pas pris à la lettre au moyen-âge. Des imbéciles diplômés, dis-je.

À propos des récentes controverses entourant l'Église catholique, nous avons eu un exemple parfait de la stupidité d'un prélat dans cette lettre de Monseigneur André Gaumond, laquelle parle de l'excommunicaton par l'Église brésilienne comme d'une simple "gaffe" (qu'il tempère par un "sans doute")et louange même le pardon du pape envers ces prêtres négationistes comme un acte de compassion. Compassion envers des antisémites, faut le faire. Les curés ont la compassion sélective. Ca ne fait pas d'eux des imbéciles, mais excuser ou même défendre et chercher à justifier l'indéfendable, comme le fait Gaumond, relève de la malhonnêteté intellectuelle pure. Et de la connerie également. J'aurais tendance à croire qu'il est vain d'apostasier. Ne plus croire et ne plus pratiquer est en soi une apostasie, c'est en fait la forme d'apostasie la plus éloquente qui soit. C'est aussi, je crois, un acte d'intelligence et de lucidité. Car peu importe la qualité de l'éducation que reçoit un prêtre, peu importe la qualité de son intellect, il est ordonné parce qu'il accepte le temps d'une prière, le temps d'un sermon, de mettre son cerveau dans un bocal.

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